Poème

Le travail d’Agnès Thurnauer est marqué par une exploration du langage et du temps qui s’enracine souvent dans l’histoire de l’art. L’écriture,
au sens propre comme au figuré, est un motif récurrent, qui offre au spectateur une déambulation dans le langage.

Pour cette commande, l’artiste a entrepris de donner au poème et à sa mise en espace une place plus importante dans notre quotidien. Selon elle, si les temps changent, nous nous y adaptons grâce à la créativité, qui a également cette capacité à devancer les changements ; et c’est « avec l’espace de la poésie que nous valorisons l’inédit et l’inouï ». Dans la continuité des « Prédelles », série entamée en 2007 – en référence aux peintures religieuses, composées traditionnellement de scènes complétant le ou les panneaux principaux du retable –, l’œuvre se présente en diptyque. Si, en général, ses formats sont conçus en deux tableaux distincts, Agnès Thurnauer a choisi ici de les placer sur un même support et sur un papier suffisamment grand pour permettre au poème d’investir l’espace du mur qui le reçoit. La sérigraphie, conçue en quatre couleurs, joue avec la notion de transparence et le cerne des lettres, réalisé avec une trame aléatoire – où les petits points apparaissent plus fréquemment, en ne suivant aucun
modèle prédéfini –, et suscite l’idée de son qui se dégage de ces lettres regroupées ou dispersées comme un écho. Comme le souligne Tiphaine
Samoyault dans « Langue augmentée » : « La peinture d’Agnès Thurnauer est orale parce qu’elle représente à la fois les possibilités et les
empêchements des sons et des sens. Et cela s’entend aussi dans les formes qui contredisent ou répètent, d’un panneau à l’autre, le travail du mot
et de sa coupe. On quitte alors l’oralité sans l’abandonner vraiment. On entre dans les formes de l’écrit qui maintiennent l’oralité vivante :
le poème, le graffiti*. »

* Agnès Thurnauer, Prédelles, textes de Tiphaine Samoyault et Marie de Brugerolle, Paris, Métamorphoses, 2022, 120 pages.