Embrasser la langue

Bienvenue ! Dans un territoire où chacune et chacun est à sa place. Où l’arbitraire et les défaillances de la langue française se corrigent. Où dans la société comme dans la grammaire, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin. La langue française est une construction qui efface certaines strates culturelles, masque des minorités. Inventons d’autres territoires, d’autres pratiques de la langue qui embrasent et s’embrassent.

Depuis 2018, la collective franco-belge à géométrie variable, Bye Bye Binary milite pour penser des formes d’écriture post-binaires, dépassant la catégorisation masculin ou féminin. Pour cette affiche, cinq personnes ont œuvré : Sophie Vela, Axxenne, Camille Circlude, Eugénie Bidaut, Léna Salabert-Triby. La collective, notamment lors d’ateliers pédagogiques, interroge les participantes et les participants sur leur
pratique de la langue. Elle souhaite que nos écritures soient davantage fabriquées par leurs usages (de toutes et de tous) plutôt que par la norme et se fédère autour de la création de polices de caractères libres de droits et accessibles depuis une fonderie. Les graphistes typographes
mettent au point des lettres spécifiques, des ligatures, des points médians, des éléments de liaison ou de symbiose, etc., réinventant notre vocabulaire et nos constructions langagières.
Leurs expérimentations mettent en lumière un fait indéniable : nos difficultés à créer des espaces d’expression multiples et ouverts. Leurs polices de caractères contrent l’invisibilisation des femmes, des personnes trans, des communautés minoritaires LGBTQIA+. Elles élargissent
les représentations à d’autres corps et ouvrent des possibilités pour des identités, davantage fluides. Bye Bye Binary opte pour des créations électriques – par le choix des couleurs –, sciemment désordonnées. Leurs compositions nous gardent éveillées. En recourant à différents
corps typographiques, elles invitent à la diversité, au désordre, elles témoignent que le supposé neutre est une illusion autoritaire. Le blanc, ici, est décoratif, il scintille : les étoiles sont des caractères typographiques, des astérisques détournés de leur fonction initiale, elles éclairent
des qualificatifs bienveillants. Certaines formes ornementales sont générées presque comme un lettrage, d’autres sont issues d’un travail de recherches et de récoltes documentaires. Bye Bye Binary fait figure d’éclaireuse et de semeuse.