Bertrand GADENNE

Le corps éclairé

1997 | Photographie cibachrome | 30 x 30 cm (encadrée) | PR03

Faut-il appréhender cette lumière en son état corpusculaire, dans sa vibration ? Ou, au contraire, dans l’écriture de sa trajectoire liquide ? Il vaut peut-être mieux se souvenir que le procédé d’abord élaboré par Niepce s’appelait « héliographie » pour qu’entre en scène, premier, le soleil, suivi de son corollaire, l’ombre. Il faut évoquer le tout premier livre produit par Henry Fox Talbot, The pencil of Natur, pour se ressaisir de ce rayon lumineux. Il faut se souvenir à nouveau du pseudonyme « Man Ray », l’homme rayon, pour inscrire le tracé mnésique des rayogrammes. On peut encore convoquer son complice Marcel Duchamp afin qu’il nous fournisse avec une de ses premières images argentiques revendiquées une définition de la photographie comme
« Ombre de ready made ». Il faut revendiquer aussi les deux plus grandes aventures visuelles du début du XXème siècle sous le seul patronyme des frères bien-nommés Lumière : le cinéma inventé, ils trouvaient encore à lier leur nom à l’autochrome. Autant d’étapes possibles pour une petite chronique des aventures des noms de la lumière.
La photographie reste la base la plus apte d’où questionner les phénomènes de perception.
Gadenne s’y attache non seulement quant à la vue, mais aussi dans le rapport à d’autres sens. Sans cesse, il repose la question de la vision et de l’objet du voir, comme l’écrit Georges Didi Huberman : « Donner à voir, c’est toujours inquiéter le voir, dans son acte, dans son sujet. Voir, c’est toujours une opération de sujet, donc une opération refendue, inquiétée, agitée, ouverte ». En utilisant la lumière projetée, il semble retirer à l’image sa matérialité.
La trajectoire même du rayon lumineux n’est pas toujours sensible. Au contraire, quant l’écran prend de l’importance, la source de l’image reste cachée, rappelant sa composition commue avec le mot magie. La présence de cette image-écran devient d’autant plus grande du fait de cette force d’apparition. Des éléments extérieurs – soufflerie et découpe dans la série des «feuilles» ajoutent au tremblement de représentation, dans un effet d’hyper ou plutôt d’infra-réalisme. Face à cette sensation,nous nous trouvons dans l’obligation d’interroger notre perception, non pour découvrir le mécanisme d’illusion, mais pour nous aider à en croire nos yeux. Dans des œuvres plus récentes, lumière et chaleur sont associées comme elles l’étaient déjà potentiellement avec la série des « allumettes » ou celles des « papillons ».
L’expression « le toucher des yeux » serait ici à remplacer par un « voir à la main ». L’interposition de l’écran manuel dans le rayon lumineux donne sa définition à l’image. Lorsque le point se fait au centre de la paume, les associations mentales à l’objet qui apparaît suscitent la brûlure du réel. Si la main n’a pas été trop vite retirée, faisant s’envoler le papillon ou éteignant l’allumette, les gestes hésitent pendant cette accommodation visuelle, et d’autres paumes surgissent à notre conscience, celles du Christ, mais le stigmate visuel ne laissera de trace que le temps de la persistance rétinienne. Une fluctuation lexicale en découle. L’ambiguïté d’une telle pratique est de donner corps à une certaine latence de l’image, hors de ses seuls temps physiques et chimiques.

Christian Gattinoni

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