Ouvre-la !

Un décret du 22 septembre 1792 fait de Marianne le symbole de la toute jeune République française. Une personnification féminine remplace les portraits des dynasties monarchiques masculines. Depuis, Marianne fait partie du patrimoine de la République. Elle peut changer de traits, mais elle demeure reconnaissable grâce à son bonnet phrygien et, parfois, à sa couronne de feuilles de laurier et de chêne.

Dugudus a choisi Marianne de profil. C’est ainsi qu’elle apparaissait sur les pièces de monnaie et timbres français. En l’esquissant au crayon,
Dugudus la fige davantage en tant que symbole médiatique, un multiple imprimé plutôt qu’une sculpture. Dessinée, elle assume sa fragilité. Si notre face-à-face avec Marianne ne fait aucun doute, Dugudus crée un malaise, l’emblème républicain est bâillonné par un aplat
noir qui se révèle être un mégaphone. Marianne, pilier d’idéaux républicains, se double d’une Marianne crieuse ou lanceuse d’alerte. Le message est double. Pour Dugudus, l’image est une invitation à ce que chacun soit un acteur, un défenseur des valeurs de la République,
à ce que chacun prenne la parole. C’est également une invitation à la vigilance pour ce qui concerne la liberté d’expression. Ici, Marianne siège autant comme un symbole institutionnel que comme une vigie nécessaire contre toute dérive autoritaire.

Dugudus conçoit des images engagées. L’activisme politique est au cœur de sa pratique. Le graphiste a conscience que, pour avoir un réel impact, une affiche demande à être imprimée afin de contrer le flux d’images quotidiennes. Une affiche doit imprégner notre rétine par son encrage et par son ancrage dans le temps.

Figure de l’autorité et de l’insurrection, Marianne s’habille ici d’un costume fait d’urgence et de spontanéité en vue d’intégrer des défilés où chacun confectionne son message avec des techniques artisanales dans une économie du Do It Yourself. Simplement, avec un mégaphone, Marianne rappelle l’importance de protester, de prendre la parole, de lutter contre l’abstention pour un engagement citoyen. Pour Dugudus, « la lutte, c’est l’espoir ».