Sans titre

Qui mieux qu’Enzo Cucchi pouvait illustrer la révolution, son œuvre entière ne parle que de Révolutions, dans tous les sens du terme (cycle, bouleversement, fermentation). Hanté par le mystère de l’énergie créatrice de l’artiste, cet ancien du mouvement italien Transavanguardia a toujours cherché à s’approcher au plus près du cycle éternel et énigmatique de la nature humaine, en se basant sur ses mythes. Son œuvre, qu’elle soit peinte, dessinée ou gravée, consiste à raconter ses visions, à montrer à quel point toute création est renversement des idées reçues, une descente douloureuse vers le doute et la mort, indispensable pour atteindre au plus caché, au plus profond de l’histoire. Ce n’est que du fond de ce gouffre fait de convulsions souterraines, de cyclones sidéraux et d’errements que peut jaillir la révolution : le redressement, le désir de verticalité, la conquête d’un progrès, l’ascension vers la vie. Si rien ne change, rien ne vit. « Tout doit bouger en permanence » dit cet artiste visionnaire.
Parallèle à son activité de peintre, son travail de dessinateur et de graveur est très important depuis les années 80. Avec son fusain charbonneux ou dans ses eaux-fortes, il pousse les noirs et simplife les formes, créant un univers dramatique à la composition décentrée où fottent des fragments d’images. Il y creuse des vides qui sont comme des lieux de dépôts qui exhalent des présences et permettent de tout réinventer.
Le feu, la mer ou la montagne sont des lieux où fermente la vie. La montagne peuplée aussi bien de têtes de morts que de têtes de bébés, est à la fois la sépulture de notre culture et le gisement vital qui, sous une poussée, peut accoucher une nouvelle vie.
Chez Cucchi, il n y a que les hommes eux-mêmes, avec leurs illuminations comme leurs pestilences, qui puissent engendrer un renouveau.
E.V.C