Sans titre

C’est parce qu’elle réunit des paradoxes difficilement exprimables que l’ œuvre de Judit Reigl. vibrante et habitée, paraît se situer au-delà des faits strictement physiques, sur le versant d’une pure picturalité. Dans une sorte de marche vers l’essentiel, elle offre la présence de la couleur, de la lumière et de leurs vibrations, C’est dans cette recherche d’une vision se donnant au bord de l’apparaître – aussi abstraite que concrète – qu’il faut comprendre les renoncements progressifs, les expériences de la radicalité, dont a vécu et vit la peinture de Judit Reigl. Commencée dans l’éclairage de l’écriture automatique et conduite jusqu’à une sorte d’habitation de la surface par des expériences du corps et de l’action, elle est peu à peu apparue comme un espace non pas voulu pour lui-même mais pour ce qui le rend possible dans la précarité des choses et la fragilité du sensible.

La figure humaine qui tente d’habiter depuis peu ces espaces de peinture avait déjà fait une apparition d’une autre nature. en 1966, au nom d’une écriture anthropomorphique sous le titre générique : Homme. Aujourd’hui elle émerge ontologiquement des profondeurs des couches picturales, des structures successives ensevelies comme s’il lui fallait dorénavant ce limon pour la pousser en dehors de la dernière couche picturale. En choisissant de nommer une de ses séries « Entrée-sortie», Judit Reigl nous dit bien que cette figure se tient sur un seuil, le seuil d’un espace-temps devenu l’énigme de son apparition et de sa contingence.

Anne Tronche, Heureux le visionnaire dont la seule arme est le stylet, éd FNAC