Tenon

Seulgi Lee explore régulièrement les savoir-faire et pratiques de l’artisanat de tous les continents (Afrique du Nord, Mexique, Corée…), qu’elle confronte à des objets qui appartiennent autant au répertoire de l’architecture qu’à celui de la sculpture ou à ce que l’on appelle les instruments de sociabilité. Seulgi Lee s’est intéressée à ce que nous, regardeurs distraits, ne voyons plus lorsque nous avons en main des cartes à jouer, le motif souvent discret qui «décore» le revers de ces rectangles de carton. Elle a décidé de l’agrandir pour mieux l’observer.
Pour ce projet, Seulgi Lee a fait la rencontre déterminante du pochoiriste Joseph Lichaa et de Coralie Barbe, restauratrice de livres anciens. Le dos de la carte devient ainsi une composition abstraite de couleurs délicates, un claustra, une porte à travers le temps qui peut avoir la taille d’un gigantesque portail ou d’une simple trappe. Le titre de l’estampe, Tenon, évoque une charpente, et la grille fonctionne ici comme une sorte de filtre propice à la déclinaison systématique des couleurs, selon un principe qui porte à sa quintessence la question même de la reproduction. Les couleurs irisées, nous dit l’artiste, sont «comme une réminiscence des couleurs de la lune». Mais ce sont peut-être aussi les couleurs du temps : il y a quelque chose de Jacques Demy dans les compositions silencieuses et faussement candides de Seulgi Lee, qui captent le regard et qui peuvent prendre de nombreuses formes, en deux ou en trois dimensions.