Ernest PIGNON ERNEST

Marie Madeleine

1991 | Lithographie | 49 x 33 cm (encadrée) | EN20

Pour appréhender la démarche d’Ernest Pignon-Ernest, il convient de suspecter ce qui en elle semble le plus apparent : le prétendu « académisme » du dessin, sa réussite technique ; et la prétendue « provocation » qui consisterait à faire des murs d’une ville un lieu insolite d’exposition. En effet, les critères sont ici inversés : en s’inspirant de la peinture du Caravage et de ses contemporains, Pignon-Ernest ne manifeste aucune révérence, il manipule un matériau esthétique, le transforme selon le besoin qu’il en a, le recadre, le cite plus ou moins précisément, et surtout en modifie l’intention puisqu’il le fait sortir du cadre du tableau (lumières et positions des corps sont ainsi réétudiés en fonction du collage final dans le lieu déterminé.). Selon le même paradoxe, l’intervention dans la rue veut produire un enracinement dans un espace précis, aucunement neutre (Naples avec ses mythologies, sa religiosité, sa violence, sa morbidité, sa géologie instable) et non d’abord une rupture avec les lieux habituels de l’art ou les convenances de la pérennité de l’œuvre. S’il faut ici chercher un désir de rupture, il est ailleurs : dans la façon qu’a Pignon-Ernest de placer son travail au milieu du monde pour s’adresser à celui qui passe, et provoquer ainsi un “face à face” (la plupart des dessins sont à taille humaine). L’œuvre alors n’est ni allégorie ni prétexte à engagement esthétique ou politique : elle “fait corps” avec la ville et ses habitants, sa relation à eux est physique, elle met en jeu la jouissance et la mort. Elle nous dit cette chose centrale : ce n’est qu’en étant dans le monde, en se soumettant à sa violence, en se plongeant dans sa rumeur que peut naître la douleur qui fait comprendre le monde et peut-être déjà le transforme. La souffrance, le désir, l’espoir déposés dans l’œuvre de Pignon-Ernest et par lui offerts, rappellent cette tâche essentielle de l’art : créer la rupture au milieu du monde, par où la douleur fait autour d’elle le silence qui nous permettra d’être sauvés : « car là où est le péril, là aussi croît ce qui sauve »(Hölderlin).

Extrait de texte de Bruno NOURRY, 1993.

Réserver l’œuvre

Calendrier de disponibilité de l'oeuvre

Cliquer sur résevrer pour créer un compte et choisissez les dates de livraison et retrait disponibles (sur fond blanc). Les dates du calendrier sont sur fond gris : l'œuvre est indisponible