Yujiro OTSUKI

September

1992 | Sérigraphie | 100 x 140 cm (encadrée) | EN17

  • POINT TECHNIQUE
  • 1 point d’accroche

Un philosophe buveur de café noir, rencontré au café Schumann’s à Munich, prétendait, non sans arrière pensée mystique, que nous nous trouvions « confrontés à une qualité particulière de vide, spécifique à notre époque moderne ». « Le silence … le silence …, répétait-il d’une voix sourde, en cherchant à parfaire sa prononciation, le silence … donne aux mots leur légitimité. Sans lui, ils deviennent creux et le sens dont on les charge révèle leur absurdité profonde. Nous sommes possédés par la rage bureaucratique de tout nommer, à chaque instant et partout, de dresser le bilan permanent de notre univers mais nous nous éloignons de l’être pour créer du néant. Nous devenons du vide …  » Bien que fort éloigné des préoccupations religieuses de mon interlocuteur, je ne pouvais que reconnaître la justesse de ses propos. Ce vide moderne qu’il s’acharnait à définir, en dépit de son admiration annoncée pour le silence, me parait être au cœur de l’œuvre de Yujiro OTSUKI, qu’il s’agisse des objets ou de ses grands tableaux récents. Il le fait surgir grâce à un répertoire limité de mots-clés, de silhouettes stéréotypées de personnages ou de choses qui n’ont pas plus de matérialité que des tampons administratifs. L’existence réelle, la vie intime est ailleurs. Dans la masse confuse des formes et des lignes en devenir, dans les gestes qui oscillent entre signes et hasards, dans les espaces intercalaires, dans le silence. Les signes constituent de parfaits outils’ pour établir des concepts, pour communiquer. Mais pour communiquer quoi? Pour penser quoi ? Ne sommes-nous que pensée et communication ? Yujiro s’emploie à retrouver un état archaïque de l’être, qui n’est ni l’enfance ni la supposée candeur du primitif. Plutôt un état de veille intérieure. Sa lumière nocturne met en évidence un univers non fini de réminiscences, de sensations, de velléités, d’actions inachevées et de poignantes mélancolies. L’univers mental d’un voyageur qui, pour ne pas devenir amnésique, se raccroche à des mots dont le contenu a fini par lui échapper, mais qu’il s’obstine à ressasser et à transporter partout avec lui comme des valises vides. Yujiro est un enfant du temps avant d’être un enfant du pays. L’éloignement et la vitesse sont les deux pôles magnétiques de ses désirs. Souvent les artistes s’identifient à un lieu privilégié, qui devient leur territoire idéal, leur autoportrait éclaté. Celui de Yujiro a la forme circulaire d’un cadran, qu’il soit de montre, de boussole ou de téléphone. Il se matérialise et s’évanouit au rythme des secondes. Ses œuvres apparaissent comme de brefs instants de conscience solidifiés, des poèmes. Elles n’ont aucun but didactique, ne prétendent jamais rajouter un peu de sens supplémentaire à un monde qui en est déjà surchargé. Créées sous émotion elles ne visent qu’à l’émotion mais n’en existent pas moins avec une force souveraine. Et nous nous étonnons de constater que le vide qui nous habite peut accoucher d’une montagne.

Roland TOPOR Munich-Paris,  septembre 1990

 

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