Étienne PRESSAGER

Peinturlure (n°1)

2005 | Gouache sur papier | 144 x 22 x 2.5 cm (encadrée) | EAA17

  • POINT TECHNIQUE
  • 1 point d’accroche

Peinturlures, notes éparses 2004
Je les voudrais clownesques, turlututu chapeau pointu.
Je passe -ou je perds- beaucoup de temps à les peindre et je le dis. J’aimerais que l’on se pose des questions sur cette obstination.
L’allitération turlu-turlu me plait. C’est un piège circulaire qui verrouille la phrase.
Je freine et j’accélère à fond en même temps. En principe, pendant que je suis occupé à peindre, la peinture ne me préoccupe justement pas. Le moteur s’emballe ou la voiture cale.
Je pense très (trop?) souvent à Gasiorowski.
Bords perdus, temps perdu.
Penser à parler des Joyeux Turlurons de l’album d’Hergé Tintin et les Picaros, joyeux drilles ou débiles profonds qui contre toute attente font basculer l’Histoire en permettant à une révolution de réussir.
C’est le pinceau qui lit le texte, très lentement, à fond.
En théorie, pas de préoccupation concernant la fabrication et la juxtaposition des couleurs. Mais on voit bien les petits plaisirs que je me suis permis de temps en temps.
Onanisme pictural ?
Si L.P.M.T. vous fait penser au groupe mythique BMPT, ce ne peut être que l’effet d’une coïncidence.
Des peintures exclusivement destinées à des cadres argentés.
Véritable pensum, d’ailleurs ÊTRE PUNI est une anagramme de PEINTURE.

Auto-recommandations :
– Dans certaines surfaces, montrer les traces du pinceau en utilisant deux couleurs mal mélangées (Frize).
– Ne pas toujours rechercher l’harmonie.
– Ne pas tricher ou au contraire tricher.
– Ne pas trop s’appliquer sauf à la qualité de certains aplats.
– Bien mélanger la couleur- ou pas.
– Ne pas chercher à cacher qu’on suit laborieusement les contours, ne pas exagérer non plus cet aspect laborieux.
– Essayer de rester adolescent : s’appliquer sans trop d’adresse.

Mots qu’on peut obtenir :
LA/ME/TU/LU/PENTU/PEINT/LAPIN/LUPIN/PINE/EPINE/LAIT/ etc… PUE/PUTE…

Titres envisagés au début mais vite abandonnés :
Pansements, le contraire d’une punition, peinture = être puni, point mort
Longueur du texte : 129,2
Hauteur des lettres : 7,7
Marges : 5,5
Attention : les seules formes présentes sont celles des lettres et des espaces entre elles. Toute autre forme lisible doit être bannie sauf celle des coups de pinceaux.
16.08.04
La répétition rassure et assomme à la fois, rassure en assommant. Aurais-tu donc tellement besoin d’être rassuré ?
31.08.04
Question : faut-il ou non peindre à l’intérieur des lettres ? c.à.d. : la peinture en tant que telle peut-elle exister à l’intérieur du texte ? C’est la qualité picturale des bandes qui pourra faire l’intérêt du projet (?!)
Je ne serai plus turlupiné par la peinture
Je ne serai plus turlupiné par la peinture
Je ne serai plus turlupiné par la peinture
Je ne serai plus turlupiné par la peinture
Je ne serai plus turlupiné par la peinture. Etc.
Une peinture au point mort.
Surtout si on le souhaite vraiment, faire n’importe quoi est impossible.
Séraphin Lampion, l’éternel emmerdeur dont le nom (ange, lanterne) peut pourtant facilement évoquer les fresques des coupoles italiennes.
Cadres argentés : ceux des Picabia des années vingt, «dorés à la feuille d’argent» m’ont toujours impressionné. Les miens sont peints. Version du pauvre.
Les jours et les heures de début et de fin de séance sont systématiquement inscrits dans les marges. La peinture m’a préoccupé tel jour à tel endroit, de telle heure à telle heure. Le reste du temps, j’ai pu vaquer à d’autres occupations. Je pense à «Love You ‘Till Tuesday», une chanson de 1966 dans laquelle David Bowie annonce cyniquement à sa fiancée jusqu’à quand il l’aimera.
La peinturlure ne me turlupine ni quand je dors, ni quand je mange, ni…, etc.
14 novembre 2004, 19h50
…mais j’oublie la musique au fur et à mesure que je la joue. Et je n’essaie pas de m’en souvenir.
J’ai découpé au cutter le texte dans une bande de carton. J’ai gardé cette bande. Je m’en sers pour décalquer le texte au crayon sur des bandes de papier blanc.
Je remplis à la gouache, dans l’ordre, chaque lettre, chaque vide, chaque espace avec des gestes et des couleurs qui se veulent indifférents.
Le résultat doit simplement être bariolé, ni spécialement beau, ni spécialement laid, si ces mots bien sûr ont un sens.
A partir de la onzième planche de la série, j’ai cru que l’utilisation d’une roulette de casino- jouet pourrait m’éviter d’avoir à faire moi-même le choix des couleurs. J’ai collé à la place des chiffres des étiquettes portant les noms des principales couleurs, espérant ainsi atteindre plus facilement la neutralité et l’absence de goût que je recherchais. Mais le nombre des couleurs étant infiniment plus grand que celui des mots pouvant les exprimer, j’étais finalement toujours obligé de trancher pour telle ou telle nuance de rouge cerise ou de jaune citron. Je ne résolvais pas le problème des choix, je le transposais seulement à une autre échelle, sans parler du fait que le libellé des étiquettes constituait déjà en lui-même un choix.
J’en suis assez vite arrivé à utiliser la roulette plutôt comme outil de vérification superstitieuse de mes intuitions que comme pur instrument de non-choix. J’en ai conclu qu’un résultat vraiment indifférent ne pouvait sans doute être obtenu qu’au prix de savants calculs.
Plus tard, j’ai compris qu’il n’était ni important ni seulement utile de chercher à trouver cet équilibre neutre. Mon goût est indifférent, il n’a pas de saveur pour les autres. J’ai abandonné l’usage de la roulette vers la vingtième planche.
Malzéville, vendredi 31 décembre 2004, 18h42
Problème difficile à trancher : profiter ou non du changement d’année ce soir à minuit pour arrêter les LPMT ? Aucun argument décisif ni dans un sens ni dans l’autre. Cela ferait 41 planches. Je déciderai à pile ou face.
Malzéville, samedi 1er janvier 2005, 17h10
J’ai finalement décidé d’arrêter la suite des peinturlures ce matin à 0h00. Les lettres U,P,I,N,E de la dernière planche ne sont pas peintes. Il y a donc 41 planches en tout que j’ai emballées et serrées entre deux planches cet après-midi : serre-joints remplacés au fur et à mesure par des scotchs larges qui font le tour du paquet et des planches. Le bébé est là, debout, appuyé au mur en face de moi et je ne sais absolument pas s’il y a lieu d’en être fier ou pas. Fin du travail fourni, des heures passées et c’est tout : voir cela comme une sécrétion, stalactite ou escargot, mouette perchée comme le pigeon de Dietman sur un tas de guano. Les bords irréguliers, pas finis : ce qui compte, ce n’est pas l’image que vous avez sous les yeux, c’est le temps que j’ai passé à la peindre. Ce qui compte, c’est ce moment où, de telle heure à telle heure, j’étais occupé à peindre ce que vous avez sous les yeux.

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