Jérôme MAILLET

Repaire I Diptyque (en collaboration avec Macula Nigra)

2019 | Cyanotype + dorure à l’or fin | 80 x 30 cm (encadrée) | EAM56

REPAIRE

Exposition du 28/11/19 au 4/02/20 à l’espace MIRA (Nantes)

Intitulée Repaire, l’exposition pourrait se fantasmer comme un abri, une cachette, un refuge mais aussi, potentiellement, être un lieu de rencontre pour des individus peu recommandables, à la marge, louches. Ce Repaire, Jeronimo (Jérôme Maillet) et Macula Nigra (Loïc Creff) l’imaginent dans cette double acception, à la fois salutaire et troublante, et le représentent comme un univers ouvert et stratifié, dans des sérigraphies et cyanotypes* réalisés à quatre mains.
Travaillant pour la première fois en duo, les artistes ont élaboré des formes fictionnelles d’écriture de l’architecture et du paysage de friche. Un terrain vague du Bas Chantenay a constitué leur lieu commun pour concevoir ensemble cette exposition à Mira. Ce territoire est devenu leur surface de projection, où tout pouvait se déployer, comme sur ces panneaux qui viennent se planter en limite de terrain à urbaniser et qui proclament en lettres géantes : ICI BIENTÔT. En plein milieu de cet espace chantenaysien bien réel, une pile du pont de Cheviré s’élève, proche du monolithe noir apparu dans 2001, l’Odyssée de l’espace. Effectivement, alentour de ce terrain vague, le paysage déroule une véritable odyssée : le fleuve, la voie ferrée, le pont monumental et les silos, monstres de béton qui rythment l’horizon.

RÉPERTOIRE
Après une phase d’appropriation de ce territoire, la sédimentation a fait son œuvre : de ce paysage à la fois sauvage et industriel, les artistes ont conservé les grandes silhouettes bâties, leur présence sérielle et répétitive, mais ils ont également cerné la facette plus intimiste de ce terrain vague, un lieu où on peut se sentir bien, allumer un feu, faire un barbecue. Macula Nigra et Jeronimo ont aussi recherché des images d’archive afférentes à l’histoire du site : ils ont sélectionné des photographies des années 30, une usine à eau transparente comme le Crystal Palace**, et se sont inspirés d’une incroyable histoire d’explosion. En 1987, l’épisode marque les esprits : un entrepôt prend feu, un gigantesque nuage toxique se forme, les communications téléphoniques sont coupées, un plan ORSEC est déclenché, et toutes les communes avoisinantes évacuées, sauf celle de la Roche-Maurice, petit village de pêcheur oublié, celui-là même qui s’épanouit désormais à l’ombre du Pont de Cheviré. Dans les sérigraphies et cyanotypes du duo, les nuages de fumées reviennent comme un leitmotiv. Un principe éthéré et gazeux semble régir ces mondes.

ASSEMBLAGE
D’autres formes se répètent, constituant alors un répertoire modulable : silos, terrils et tas, pont monumental, routes, voies ferrées, piliers de soutènement en béton qui courent le long des berges de la Loire, drapeaux-repères, échelles de relevés topographiques ou marques de franc-bord3, des éléments graphiques qui viennent ponctuer le paysage, et faire écho de manière discrète à une pratique de fouille.
À partir de cet inventaire formel, les artistes ont composé des paysages à la fois réalistes, nostalgiques et futuristes. Leur processus de travail relève de l’assemblage : ils étagent en plans successifs les différents éléments en présence, sans chercher à les fusionner, ce qui leur confèrent une dimension onirique et flottante. Introduisant une énergie organique et sauvage, la végétation proliférante côtoie la géométrie du bâti, servant souvent de liant dans les compositions. Autre point d’importance : Jeronimo et Macula Nigra usent volontiers de contreformes, nées des rebuts de découpe des typons4. Disposées en négatif, elles matérialisent un paysage par omission, en défonce, empli de vides revendiqués.

CORPS INCONGRUS
Malgré leur nature composite et parfois saturée de détails, les compositions de Jeronimo et Macula Nigra demeurent des espaces à penser, sans scénario verrouillé, plein de respirations énigmatiques et de zones d’ombre. Mettant en exergue l’architecture industrielle, elles la déréalisent dans un même mouvement. Enfin, elles n’omettent ni la nature ni la présence humaine. Ces paysages sont ainsi traversés de corps aux postures étranges, incongrues. La figure du pionnier revient, au diapason du mythe du terrain vierge : des hommes excavent, creusent, balaient. Ils n’ont pas de pied, peu de visage. Autour d’un feu presque absent, leurs corps se resserrent maladroitement. Une autre scène, discrète mise en abyme, nous montre Andy Warhol et son assistant, en plein travail de sérigraphie.
Malgré leurs activités volontaristes, tous ces corps semblent peu ancrés, comme soumis à une poésie de l’errance.

INCARNER L’IMAGE
Cette collaboration inédite s’incarne dans une variété de techniques et de supports. Les deux artistes, qui ne cessent de mêler l’imaginaire au réel, déploient leurs visions à travers des documents respectifs de recherche graphique, présentés dans l’exposition. Pour leurs réalisations à quatre mains, ils ont privilégié les formats amples, articulés en diptyque ou triptyque, une manière de densifier les circulations et les résonances entre leurs deux univers. Enfin, ils expérimentent la richesse chromatique du cyanotype et de la feuille d’or, ou choisissent de décoller l’image sérigraphiée du mur, en l’imprimant sur caisson de peuplier. Ces diverses matérialisations témoignent de leur attention constante à des savoir-faire concis, que leur rencontre a vivifiée.

Éva Prouteau

POINT TECHNIQUE
2 cyanotypes encadrées séparément
2 points d’accroche

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