Benoit BAUDINAT

Sewol 2

2017 | Installation vidéo, boucle 10'01'' | VE02

SEWOL 2 doit son nom au ferry coréen, le Sewol, naufragé le 16 avril 2014, entraînant par le fond 304 personnes, principalement des enfants.
La semaine du naufrage, j’aurais dû me trouver à Séoul, mais j’ai finalement annulé mon voyage pour assister à la naissance de mon fils, en France. La simultanéité des deux évènements, l’un catastrophique, dévastateur pour les familles des victimes et dont l’onde de choc fut planétaire, l’autre absolument intime, merveilleux, porteur de vie et d’espoir, m’a profondément marqué.
Quelques jours après la tragédie, j’ai réalisé un premier travail — nommé SEWOL 1 — sous la forme d’une installation, composée d’un triptyque photographique et d’un document audio. Cette installation fut le premier stade d’un processus de travail s’articulant autour du naufrage du Sewol. Ce drame, ses victimes, ses répercussions sur la société coréenne (révélation d’un gigantesque scandale de corruption étatique, ramifications romanesques jusque dans les milieux de l’industrie et de l’art contemporain, traque des responsables, revendications populaires, destitution et condamnation de la présidente sud-coréenne, etc) et ce qu’il raconte de notre temps et de notre organisation en tant qu’humanité ont peu à peu constitué un support de pensée pour mon travail.
Un an plus tard, en 2015, je me suis finalement rendu à Séoul, et j’ai assisté aux manifestations massives des Coréen·nes — durement réprimées — qui demandaient, et demandent toujours, la vérité et la justice après cette tragédie. Mon cœur est avec eux.
Durant mon voyage, j’ai utilisé un appareil photographique moyen format, fabriqué en 1951 (soit en pleine guerre de Corée), dont les images carrées (6×6) ont la particularité d’évoquer autant le document d’archive (noir et blanc, usure, approximations) que le standard ultra contemporain de la photo Instagram. Ainsi, la Corée que l’on y découvre est difficile à dater. La modernité et le passé historique s’y côtoient, de même que les notions de décor et de reconstitution.
Les images prises et le texte écrit au cours du voyage racontent l’histoire d’une eau qui monte, d’une société qui meurt, d’un récit falsifié, d’une tragédie à venir. Mais c’est aussi l’endroit d’une forme de sérénité, de contemplation, de renaissance. L’eau qui remplit, et déborde. L’eau dans laquelle on se noie, l’eau dans laquelle on vient au monde.
Le texte est envisagé comme un récit d’anticipation à contre-sens, une spéculation narrative à rebours. Les mots reviennent, comme un disque rayé, c’est un message parvenu d’on ne sait où et qui, peut-être, s’est détérioré en chemin.
Mon film doit beaucoup à un autre : La Jetée, de Chris Marker (1962). Il pourrait commencer par les mêmes mots : «Ceci est l’histoire d’un homme, marqué par une image d’enfance.»
SEWOL II a par ailleurs obtenu le Grand Prix Chris Marker et la jeune création, décerné par Marina Vlady (actrice et amie de Chris Marker) à la Cinémathèque Française en 2018, ainsi que le Grand Prix Laurent Terzieff du Festival Ciné-Poème, dans le cadre du Printemps des Poètes en 2017.

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